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Caussette: interview de Bérangère Portalier

J’attaque cette rentrée avec une foule d’événements, salons et interviews parisiens et lyonnais (oui la biennale!). On commence par une bouffée d’air frais! Plusieurs mois que je voulais renconter l’équipe de Causette : subtil féminin qui tranche avec le genre. Sorte de Kalimero déjanté qui s’adresse aux femmes “de 15 à 91 ans” ajoute sa pétulante rédactrice en chef, Bérangère Portalier. “On fait le journal qu’on aimerait lire“. Et nous les “filles normales mais pas banales” (dixit la charte du magazine), on en redemande!

Les mecs achètent aussi Causette pour leur copine. Dernièrement on est passé en mensuel. Greg et Gilles sont les fondateurs du magazine. Greg est un passionné de presse. Il s’est apperçu que sa copine n’avait rien à lire. Il a fait une fausse cover qui a reçu une super réaction des femmes de son entourage. On a pris un an et demi de l’idée à la réalisation du magazine. On s’est dit : « est-ce que ma sœur lirait cet article ? ». On a développé un côté plus humain.

Causette : un magazine féministe – pour moi, féministe n’est ni une insulte, ni anti-homme? Oui, Causette est féministe. Le mot a été tellement galvaudé, j’espère qu’on va réussir à le réhabiliter ! On fait très attention à ne pas être récupéré par les associations.  On peut être des chouettes alliés, mais ça s’arrête là.

Quel est ton background? L’anthropologie, Greg aussi. J’ai été longtemps étudiante, je suis une très bonne disciple (rires). Je n’ai pas fait d’étude de journalisme. J’étais intermittante du spectacle, monteuse. Liliane, l’autre rédactrice en chef, vient de Charlie Hebdo.

Causette a une patte particulière. Chez Causette, on privilégie une écriture subjective, on essaye d’avoir de l’ampathie, de faire un effort littéraire et de ne pas donner de grandes leçons. Les rubriques chez nous, c’est du n’importe quoi ! Elles changent d’un numéro à l’autre. Le magazine ne ressemble pas du tout à ce qu’on voulait au début, je crois que c’est mieux (sourire). On fait le journal qu’on aimerait lire. On a un peu tout réinventé. Ce côté bricolot, c’est ce qui fait qu’on est un peu différent. Il faut qu’on reste un peu breloque. On est libre, les actionnaires, c’est nous, on ne doit rien à personne. On a commencé à six personnes avec 90000 euros. On y croit bien plus qu’il y a deux ans !

As-tu le temps d’écrire? Je suis de celle qui organise vraiment les choses. J’écris un peu, je ne suis pas très sûre de mon écriture. Liliane écrit beaucoup. J’aime les deux, organiser et écrire. Je sais que j’ai un bâteau à tenir.

Ce n’est pas un peu le même principe que le montage? Oui, en anglais c’est le même mot : chief editor ! C’est vrai, c’est assez proche du montage, on ne travaille pas à partir de rien et on assemble, organise.

L’avenir de Causette ? On est tout plein d’idées. On essaye d’être un tout petit peu sage (rires). Faire les choses qu’on sait bien faire. Pour l’instant, la priorité c’est le papier. Mais c’est sûr on a envie de développer le site.

La presse vous aime? On bénéficie d’une certaine bienveillance de la presse, on a toujours de très bons papiers. Les journalistes reconnaissent en Causette un espace de liberté. Ils nous aiment vraiment bien. On a créée une sorte de niche. Maintenant je me dis, c’est bon tu peux mourir (rires).

Une véritable success story? Causette m’a fait beaucoup grandir. C’est super gratifiant. Je fais insomnie sur insomnie… Je veux rester humaine, proches des gens.

Je vous avais prévenu : une bouffée d’air frais! Merci Bérangère, longue vie à Causette!

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Park Hyatt Tokyo: Rencontre avec Philippe Roux-Dessarps

L’ascenseur s’arrête au 52ième étage,

où se situe le New York Bar : oui, l’élégant bar du fameux “Lost of Translation” de Sofia Coppola (photos 1 et 2).

Ambiance jazzy, hypontique et fascinant panorama d’un Tokyo infini vu du ciel, sensation irréelle. Pénombre réhaussée d’éclairages indirects. Souriante, une jolie serveuse me guide. 

J’ai rendez-vous avec Philippe Roux-Dessarps, le très actif directeur général du Park Haytt Tokyo qui occupe 14 étages de la Shinjiku Park Tower (dernière photo), conçue par l’incontournable Kenzo Tange, père de l’architecture moderne japonaise.

– Chaque jour, je demande à mon équipe: comment avez-vous surpris un client aujourd’hui?

Nous avons une clientèle variée (à 50% une clientèle de loisir) et beaucoup d’habitués qui recherchent une certaine atmosphère et apprécient le côté intime du lieu.

– A quoi attribuez-vous le fait qu’on s’y sent comme dans un cocon?
 
– L’humilité du personnel. Nous avons peu de chambres, 178 chambres, ce qui selon les standards asiatiques, en fait un hôtel intime. Nous n’avons pas une ambiance bureau. Le design intemporel aussi : le Park Hyatt Tokyo est un hôtel établi depuis 16 ans. John Morford a conçu tous les intérieurs, de manière à ce qu’on s’y sente comme dans un élégant chez soi.
 
– Objectif plutôt atteint non! Quel est votre prochain challenge?
 

 – Continuer de rester ouvert aussi aux nouvelles générations, rester moderne sans tomber dans du gadget!

Voici en images, mes espaces préférés :

Au 40ième étage, le restaurant Kozue pour sa  superbe vue sur Fuji San et sa délicieuse cuisine japonaise aux ingrédients de saison (photo 3). Coup de foudre pour les sublimissimes plats en céramique artisanale venus de tout le Japon : comble du raffinement “à la japonaise”, un pur plaisir!

Ambiance apaisante dans la bibliothèque aux 2000 volumes sur l’art, l’histoire, la culture et des dictionnaires. Où la lumière est un peu magique en fin d’après-midi, lorsque le soleil disparaît derrière Fuji San (photos ci-dessus & ci-dessous).

 

Dans les douillets couloirs

qui mènent au chambres, au spa et à la piscine, sur les murs, des reproductions de dessins de Fellini (photos ci-dessus et ci-dessous).
 

 

Au 47ième étage, la piscine de 20 mètres de long

Enfin une piscine d’hôtel où l’on peut vraiment nager…  en surplombant Tokyo, dans une douce lumière naturelle le matin : euphorisant! 

Au Spa, on reste des heures, entre les bassins d’eau chaude à remous et d’eau gelée, douches multi-jets, saunas et salles de massage, de relaxation, avec en arrière-plan la vue panoramique…

Chaque détail est soigneusement pensé : des excellents produits de soins australiens ASEOP, aux  rasoirs dans les douches, pour une petite retouche au pays de la perfection perfectible.

Informations 

www.park.hyatt.com

Un grand merci à Philippe Roux-Dessarps.

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Eric Russon: L’interview au café Belga

Flagey sous la neige, pittoresques étangs :

j’entre dans le café Belga. Regarde perplexe des rangées de ventilos rétro au plafond sur fond de poudreuse dehors, derrière d’immenses baies vitrées. La proximité des studios de tournage, j’ai rendez-vous avec « Monsieur Culture » d’Arte Belgique, Eric Russon, rédacteur en chef et animateur de « 50 Degrés Nord », émission quotidienne sur l’actualité artistique belge.

– J’ai pas la vocation de la télévision. On peut avoir la vocation du journalisme sportif par exemple, mais pas de la télé. Ca me paraît un peu… bizarre. Je ne sais pas comment fonctionnent les journalistes. J’ai ma carte de journaliste. Mais je ne me sens pas journaliste. J’ai peut-être une vision très romantique du vrai journaliste qui part à l’autre bout du monde, qui prend des risques. Je me vois plus comme quelqu’un de curieux qui essaye de susciter la curiosité. 

Sur la table, l’agenda cover manga d’Eric Russon,

lumière blanche aveuglante d’un soleil d’hiver. Son parcours est assez atypique : des études de Droit, deux licences et une agrégation de Criminologie à l’ULB (Université Libre de Bruxelles). 

–  A l’unif, j’ai fait de la radio libre pendant quatre-cinq ans, jusqu’en 88. Puis j’ai commencé à travailler par hasard comme assistant de production sur une émission de cinéma à Télé Bruxelles (télévision de la région bruxelloise). J’avais juste la passion de la culture. Je suis passé aux reportages culturels et à l’antenne dès 89, dans une émission d’actu du cinéma. Et dans d’autres émissions, dont une sur les courts métrages, où nous avons présentés trois cent courts métrages belges en 6 ans. Puis il y a eu le R.V. culturel quotidien à 18-19h collé au JT : 1h de direct avec des invités. Je suis resté à Télé Bruxelles jusqu’en 2006. Dès 2004, je revenais à la radio sur La Première (RTBF) dans l’émission « Culture Club ».

Du beglo belge ?

– Non. A « 50 Degrés Nord », sept invités sur dix sont belgo belges : pour plein de raisons, souvent les artistes étrangers viennent en promo et des choses intéressantes peuvent s’échanger. Ils sont souvent plus à l’aise que les belges qui ont moins l’habitude de passer en télé. Et puis je ne sais pas pourquoi les belges ont souvent ce complexe d’infériorité. Je ne comprends pas.

Pourtant le belge s’exporte bien ! On ne compte plus le nombre de belges qui réussissent à Paris.

– Oui le belge s’exporte bien et le belge se vend bien quand il passe à la télé. La télé, c’est un spectacle et on fait de l’info : raconter une bonne histoire et un bon casting de chroniqueurs et d’invités. On installe une atmosphère, il faut aussi créer une tension. On fixe une série de thématiques. Je suis à la base du choix des sujets, cinq par émissions. Je fais parler mon intuition par rapport aux actualités. L’équipe se compose du producteur, quatre journalistes qui filment les sujets et de plusieurs chroniqueurs. Je suis le seul journaliste qui apparaît sur l’antenne. Avec les invités je préfère installer un climat de conversation, de dialogue, parfois dans la critique. L’artiste donne la couleur générale du débat. La conversation est beaucoup plus souple que dans l’interview.

Et l’audimat?

Eric Russon repose sa tasse, le regard plongé dans son thé à la menthe. Plus beaucoup de temps, passer en mode questions-réponses: et l’audimat?

–  Je n’en tiens pas compte. La Belgique est un très petit pays, dix millions d’habitants, dont quatre millions de francophones. J’ai de la distance, on se fout un petit peu des chiffres. Par émission, on doit avoir entre soixante et soixante-dix mille personnes. Je compare une émission culturelle à du théâtre subventionnée : la culture n’est pas là pour faire du chiffre. Il n’y a pas d’équivalent de notre émission chez les flamands. Sur dix invités, un à deux sont flamands. Ils étaient très étonnés au début lorsque nous les contactions pour venir sur le plateau. Il y a eu une mixité culturelle avant, entre les communautés wallonne et flamande, mais plus du tout aujourd’hui. Le cinéma flamand marche beaucoup mieux auprès de son public flamand et idem pour le cinéma wallon. Par exemple, le film « De Zaaak Alzheimer » (La mémoire du Tueur) du réalisateur flamand Erik Van Looy, sorti en 2003, a rencontré le succès à l’étranger avant d’être distribué en Wallonie. Lorsque nous allons à Cannes, pour les étrangers nous sommes tous des belges. Nous avons deux chroniqueurs flamands : Nick Balthazar, cinéaste et Bert Kruisman qui a écrit un spectacle « La Flandre pour les Nuls », un humour très rentre-dedans.

L’heure a filé. Une dernière question : Bruxelles?

– Une ville à l’offre culturelle vraiment très variée. C’est aussi une ville très concentrée qui par ailleurs m’énerve énormément. Un peu de neige et toute la circulation est bloquée. Bruxelles a mieux bougé avant : la vie nocturne il faut la trouver! Le Belga, c’est presque un des seuls lieux de la nuit, où il se passe quelque chose jusqu’à très tard. C’est une drôle de ville, pas une ville qui se couche tard. C’est un peu poli.

Un quartier :  le quartier de l’unif, près du cimetière d’Ixelles, même si je ne suis pas le genre nostalgique à faire un pèlerinage. Il y a plein de restaurants, de bars, une vie nocturne.

Merci Eric Russon.

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