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Interview de Christiane Thiry, rédactrice en chef de La Libre Essentielle et de son équipe

– J’ai créé la Libre Essentielle de toute pièce. Du choix des sujets au choix des photos, je suis tout autant visuelle que littéraire. Le rapport texte image est fondamental, ça m’interpelle depuis que je suis née. Je suis très éclectique, très curieuse et je m’ennuie sinon. C’est mon côté verseau, j’adore fouiner, explorer.  La transversalité est quelque chose que j’adore.

Chritiane Thiry, dynamique rédactrice en chef de la Libre Essentielle, me reçoit dans un vaste open space clair, entourée de son équipe, Hélène Rivière et Isabelle Blandiaux. J’ai découvert ce féminin, en supplément week-end de La Libre Belgique, par un numéro spécial Jean-Paul Knott dans la boutique du créateur, aux Sablons. Depuis ce numéro est devenu un collector. Regard amusé, Christiane ajoute :

– On n’a pas de frontières, on va un peu dans tous les sens. J’ai envie de tirer vers le haut, par une variété de lectures. Nous on est un petit peu le petit extra terrestre, je pense qu’à la Libre, ils ne savaient pas qui j’étais (rires).

Elle aurait aimé être architecture. Projet contrarié par ses parents, elle suivra des études littéraires. Licenciée en philologie, en linguistique et en philosophie, elle se rattape aujourd’hui en faisant de la sculpture. 

– J’ai d’abords été rédactrice en chef de magazines pour enfants de 2 ans à 8 ans, pendant six ans. Ce qui m’a permis de rencontrer beaucoup d’illustrateurs, j’ai adoré. On a vraiment des perles, comme Kikie Crêvecœur.

Le premier numéro est paru il y a onze ans. Christiane m’illustre son propos en m’indiquant divers numéros éparpillés sur la table. L’évolution du titre au fil des ans :

– La libre Essentielle s’adresse à un lectorat très exigeant, très cultivé. Nous avons une autre approche de la femme, plus complexe, plus décalée, très culturelle. Oui, parce que la féminité ne se limite pas à des catégories dites féminines. Féministe : je ne suis pas militante, j’ai le plus grand respect pour la femme. Je ne veux pas m’enfermer dans un magazine de mode. Etre femme aujourd’hui c’est avant tout être curieuse de tout. Je veille à la mixité dans mon équipe, je suis vigilante. La colonne vertébrale de chaque numéro est le dossier société qui traite de la femme dans son environnement. La vie est un mix. Le magazine doit être le miroir de ce qui se passe, avec un filtre intelligent et une mise en perspective. Des personnes qui font bouger les choses. Des personnes qui ont une vision. Difficile à valoriser en période de crise. Sans oublier une carte blanche à la jeune génération.

La Libre Essentielle est partenaire presse de La Cambre depuis dix ans :

– La mode belge est poly-tendance : ce sont des univers tout à fait différents qui doivent se construire. Une mode plus créative que commerciale. Des cambriens, il y en a partout : Arnaud Michaux chez Lanvin, Anthony Vaccarello ex Fendi, Mansour, Laurent Edmond chez Margiela, Caroline Herniaux, une des grosses pointures.

Cinq belges qui vous viennent à l’esprit là tout de suite :

– On a un terroir absolument fabuleux, je n’aime pas choisir.  (J’insiste) Michèle Noiret, chorégraphe belge qui travaille la notation gestuelle de la musique. Une femme qui est belle. J’adore Jean-Paul Knott et Margiela aussi. Caroline Herniaux, dans la veine de l’école Margiela. L’Atelier A1, parmi dix mille autres. Alain Hubert et sa fondation polaire.

Bruxelles ? Une adresse ?

– C’est une ville que j’adore, très cahotique, tout est possible. Avec ce côté curieux, mobile et dérisoire. C’est difficile de s’installer à Bruxelles, ces problèmes communautaires m’irritent. Petite ville intimiste aux 20, 30, 50 petits mondes accessibles. Un lieu : le Grand Hornu, c’est très beau.

Ces mains (photo ci-dessus) sont celles d’Hélène Rivière, secrétaire de rédaction et céramiste de talent. Arrivée à Libre Essentielle deux mois après Christiane, elles forment un tandem inséparable :

– C’est un magazine à l’image de la femme belge telle qu’elle est vraiment. Ouvrir des portes, faire découvrir des personnes dans notre pays, au travers d’un regard féminin, plus ouvert. On joue avec l’émotion de la rencontre, nous sommes très concernées par les sujets de société. La femme peut faire plein de choses en même temps contrairement à l’homme. Elle a plein de centres d’intérêt très larges.

Depuis neuf ans, Hélène prend “plaisir à toucher la terre“, décrivant sa prochaine expo à Brugghe fin Avril :

– Ce n’est pas de l’utilitaire. Mais des objets à forte référence organique. Pour le moment je suis dans l’obsession de la spirale. La céramique contemporaine sort des arts appliqués et commence à être de l’art.

Hélène voit en ses deux métiers :

– Deux univers comptatibles cohérents qui se renforcent l’un l’autre. Une approche de la beauté. 

Un des lieux bruxellois de  cette “citadine pure et dure” :

La Monnaie qui a une aura internationale. Son côté cosmopolite, on y entend parler toutes les langues. De là est née l’indépendance de la Belgique.

Isabelle Blondiaux est journaliste mode, beauté, lifestyle et culture,  à la Libre Essentielle depuis cinq ans. Elle aime  “tenter des portraits plus intimistes de personnalités que l’on connaît déjà”, parler de la vie des femmes, de création et :

– La mode surtout, parce qu’on l’aborde d’un point de vue de la création. Cathy Pill, dont les imprimés partent de photocopies qui peuvent paraîtrent insignifintes. C’est faire avec rien, c’est une forme de liberté. Jean-Paul Knott : une espèce de simplicité au final, alors que c’est très compliqué. Isabelle Lenfant, des bijoux comme une prolongation du corps (sa bague pansement), un travail sur la protection, avec un aspect poétique. Pour dire aussi qui l’on est. Natalia Brilli, vendue chez Maria Luisa (Paris), recouvre tout de cuir, une technique qu’elle a mis du temps à mettre au point. Je trouve fantastiques ses vanités. Anthony Vaccarello : des robes avec un jeu de transparence, d’opacité et métal, un fantastique travail sur le cuir et un côté scuptural. C’est important de soutenir les talents émergeants, ils risquent de se décourager. Pour grandir, il faut s’exporter : la notoriété renvoyée par un jeu de ping-pong avec la France. 

Bruxelles ?

– Ce n’est pas une ville qui se découvre facilement. De taille plus humaine que Paris, on part du centre, on fait 15 kilomètres et on est dans la forêt. Ce qui est chouette c’est qu’il y a plein de quartiers… mal desservis. 

Un lieu : Le Fin de siècle, un chouette restaurant dans le centre.

Un grand merci à Christiane Thiry, Hélène Rivière et Isabelle Blandiaux.

Autres articles : 

Jean-Paul Knott à Bruxelles: La soirée des 10 ans, l’expo

Bruxelles, Belgique: Les Sablons 

INTERVIEWS

 

Eric Russon: L’interview au café Belga

Flagey sous la neige, pittoresques étangs :

j’entre dans le café Belga. Regarde perplexe des rangées de ventilos rétro au plafond sur fond de poudreuse dehors, derrière d’immenses baies vitrées. La proximité des studios de tournage, j’ai rendez-vous avec « Monsieur Culture » d’Arte Belgique, Eric Russon, rédacteur en chef et animateur de « 50 Degrés Nord », émission quotidienne sur l’actualité artistique belge.

– J’ai pas la vocation de la télévision. On peut avoir la vocation du journalisme sportif par exemple, mais pas de la télé. Ca me paraît un peu… bizarre. Je ne sais pas comment fonctionnent les journalistes. J’ai ma carte de journaliste. Mais je ne me sens pas journaliste. J’ai peut-être une vision très romantique du vrai journaliste qui part à l’autre bout du monde, qui prend des risques. Je me vois plus comme quelqu’un de curieux qui essaye de susciter la curiosité. 

Sur la table, l’agenda cover manga d’Eric Russon,

lumière blanche aveuglante d’un soleil d’hiver. Son parcours est assez atypique : des études de Droit, deux licences et une agrégation de Criminologie à l’ULB (Université Libre de Bruxelles). 

–  A l’unif, j’ai fait de la radio libre pendant quatre-cinq ans, jusqu’en 88. Puis j’ai commencé à travailler par hasard comme assistant de production sur une émission de cinéma à Télé Bruxelles (télévision de la région bruxelloise). J’avais juste la passion de la culture. Je suis passé aux reportages culturels et à l’antenne dès 89, dans une émission d’actu du cinéma. Et dans d’autres émissions, dont une sur les courts métrages, où nous avons présentés trois cent courts métrages belges en 6 ans. Puis il y a eu le R.V. culturel quotidien à 18-19h collé au JT : 1h de direct avec des invités. Je suis resté à Télé Bruxelles jusqu’en 2006. Dès 2004, je revenais à la radio sur La Première (RTBF) dans l’émission « Culture Club ».

Du beglo belge ?

– Non. A « 50 Degrés Nord », sept invités sur dix sont belgo belges : pour plein de raisons, souvent les artistes étrangers viennent en promo et des choses intéressantes peuvent s’échanger. Ils sont souvent plus à l’aise que les belges qui ont moins l’habitude de passer en télé. Et puis je ne sais pas pourquoi les belges ont souvent ce complexe d’infériorité. Je ne comprends pas.

Pourtant le belge s’exporte bien ! On ne compte plus le nombre de belges qui réussissent à Paris.

– Oui le belge s’exporte bien et le belge se vend bien quand il passe à la télé. La télé, c’est un spectacle et on fait de l’info : raconter une bonne histoire et un bon casting de chroniqueurs et d’invités. On installe une atmosphère, il faut aussi créer une tension. On fixe une série de thématiques. Je suis à la base du choix des sujets, cinq par émissions. Je fais parler mon intuition par rapport aux actualités. L’équipe se compose du producteur, quatre journalistes qui filment les sujets et de plusieurs chroniqueurs. Je suis le seul journaliste qui apparaît sur l’antenne. Avec les invités je préfère installer un climat de conversation, de dialogue, parfois dans la critique. L’artiste donne la couleur générale du débat. La conversation est beaucoup plus souple que dans l’interview.

Et l’audimat?

Eric Russon repose sa tasse, le regard plongé dans son thé à la menthe. Plus beaucoup de temps, passer en mode questions-réponses: et l’audimat?

–  Je n’en tiens pas compte. La Belgique est un très petit pays, dix millions d’habitants, dont quatre millions de francophones. J’ai de la distance, on se fout un petit peu des chiffres. Par émission, on doit avoir entre soixante et soixante-dix mille personnes. Je compare une émission culturelle à du théâtre subventionnée : la culture n’est pas là pour faire du chiffre. Il n’y a pas d’équivalent de notre émission chez les flamands. Sur dix invités, un à deux sont flamands. Ils étaient très étonnés au début lorsque nous les contactions pour venir sur le plateau. Il y a eu une mixité culturelle avant, entre les communautés wallonne et flamande, mais plus du tout aujourd’hui. Le cinéma flamand marche beaucoup mieux auprès de son public flamand et idem pour le cinéma wallon. Par exemple, le film « De Zaaak Alzheimer » (La mémoire du Tueur) du réalisateur flamand Erik Van Looy, sorti en 2003, a rencontré le succès à l’étranger avant d’être distribué en Wallonie. Lorsque nous allons à Cannes, pour les étrangers nous sommes tous des belges. Nous avons deux chroniqueurs flamands : Nick Balthazar, cinéaste et Bert Kruisman qui a écrit un spectacle « La Flandre pour les Nuls », un humour très rentre-dedans.

L’heure a filé. Une dernière question : Bruxelles?

– Une ville à l’offre culturelle vraiment très variée. C’est aussi une ville très concentrée qui par ailleurs m’énerve énormément. Un peu de neige et toute la circulation est bloquée. Bruxelles a mieux bougé avant : la vie nocturne il faut la trouver! Le Belga, c’est presque un des seuls lieux de la nuit, où il se passe quelque chose jusqu’à très tard. C’est une drôle de ville, pas une ville qui se couche tard. C’est un peu poli.

Un quartier :  le quartier de l’unif, près du cimetière d’Ixelles, même si je ne suis pas le genre nostalgique à faire un pèlerinage. Il y a plein de restaurants, de bars, une vie nocturne.

Merci Eric Russon.

Autres articles : DESTINATIONS & INTERVIEWS

Victoire magazine, Bruxelles: rencontre avec Anne Pochet

Parachutée sur Victoire

par les mystères de la recherche on line: une rubrique crée le déclic, « comme chez moi » (intérieurs d’artistes belges). Différent, ludique et pointu sans être raseur: j’ai tenu à rencontrer sa sémillante directrice de publication, Anne Pochet. Depuis trois ans et demi, Victoire – papier – est le supplément week-end sur les tendances (culture, life style et mode) du quotidien belge Le Soir.

– Ce n’est pas un féminin, on sort des étiquettes. Le premier défi  était que le magazine ne soit pas identifié sexuellement: 52% de nos lecteurs sont des hommes. C’est une vision subjective, avec une idée de proximité. On a évité tous les poncifs des magazines de mode. Faire parler de nous, pas par chauvinisme, mais plus pour savoir où se situe la Belgique dans les tendances mondiales. On a toujours eu beaucoup de reconnaissance à l’étranger, mais peu chez nous. On va regarder tranquillement le pays.

Et donc: où se situe la Belgique dans les tendances mondiales ?

– Excellente question! C’est très très difficile à dire, l’image est très mobile : beaucoup de gens ont des audaces. C’est un très subtil résautage : tout le monde connaît tout monde, un petit pays en surface, avec des petites étoiles filantes.

Diplômée en journalisme radio et presse écrite,

Anne travaille pour les magazines féminins, puis comme chef de production et responsable d’un projet de portail féminin chez Sanoma. Pendant dix ans, elle est aussi critique de livres jeunesse à la RTBF 1 et 2 :

– Un chouette job. J’étais une jeune mère. J’aimais ouvrir les parents à des univers moins coincés.

Elle se spécialise dans la philosophie sur l’éducation et présente une vision un peu moins « protocolaire et l’aspect pratique, sans aucun étendard militant » dans une émission mensuelle de radio. Sur la RTBF 1 et 2, en collaboration avec des spécialistes de l’One (offisme de l’enfance et des naissances), Anne anime « Air de Familles »: une émission capsule co-produite par l’ One, suivie par 200.000 foyers chaque semaine. S’ajoute Victoire, en tant que directrice de la publication, dont sa plus grosse difficulté a été de constituer l’équipe. Ses yeux pétillent:

– Tout fonctionne à l’humain, mais l’humain doit apporter du contenu. Je suis une bonne lanceuse, comme pour le choix des rubriques. Je délègue beaucoup, pas pour me débarrasser de certaines tâches, mais bien dans le sens de donner à ceux qui travaillent pour le magazine la certitude que leur responsabilité est totale et donc leurs compétences mises positivement à l’épreuve. Aujourd’hui j’ai plus de plaisir à gérer une équipe de journalistes. Le week-end je deviens la lectrice la plus acharnée de Victoire et je vais très souvent visiter les lieux dont parlent mes journalistes.

Victoire de demain ?

– Un monde entre le Victoire d’aujourd’hui et celui d’il y a trois ans : le changement s’est opéré en douceur, comme un glissement de plaques tectoniques. Depuis septembre 2009, nous avons de nouvelles rubriques « comme chez moi », « city strip », « petite semaine ». Ma crainte : être enfermée dans quelque chose qui marche. Ma volonté: toujours faire évoluer le support, mais uniquement avec du nouveau contenu, pas une évolution de surface. Le magazine Victoire doit être un bel objet, un petit univers en soi.

– J’ai la grande chance d’être née à Bruxelles

et pas dans un champ de maïs texan, c’est un vrai confort mental (rires). C’est une ville un peu complexée, un peu compliquée, plutôt agréable à vivre. Je suis heureuse d’y vivre actuellement.

Une adresse d’Anne :  

WIELS, « une ancienne brasserie dans un bâtiment splendide, pour ma gym culturelle : j’ai énormément de difficultés avec l’art contemporain. Ultra pointu ». Av. Van Volxemlaan 354, 1190 Bruxelles.  

Merci beaucoup Anne et longue vie au magazine Victoire! En kioske, dans Le Soir du week-end.

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