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Mushi Mushi!

Beijing, coincée dans d’interminables embouteillages : j’ai rendez-vous avec Caroline Deleus, la créatrice française de la marque chinoise Mushi. Et bien sûr je ne sais absolument pas où je suis! Impossible de communiquer avec le chauffeur. J’appelle Caroline qui vérifie avec le taxi : nous serions à cinq minutes du Twin Tower Mall, où se trouve sa seconde boutique inaugurée en mai dernier. Tout est gigantesque dans Beijing, les minutes, les distances, les routes, les buildings, les halls de buildings : enfin la boutique, épurée aux murs blancs maculés, à effet de vagues, contrastant avec les lignes nettes noires des portants. Du blanc et du noir habillent les cintres à l’exception d’une unique robe bleue, taille marquée et épaulettes bouffantes, romantique « inspirée par des souvenirs d’enfance ». Enfin Caroline, assistée de ses deux collaboratrices chinoises. Première impression agréable d’une belle trentenaire, vêtue simplement d’un jeans et d’un débardeur noir au motif rouge de la « Wawa », la poupée en tissu, effigie de sa marque que j’avais découverte à Paris chez une amie.

Après le Lycée Français de Beijing, Esmod à Paris où elle suivait des études de stylisme qu’elle compléta par une expérience au bureau de presse de Lolita Lempicka. Consciente des difficultés d’un marché parisien plus que saturé : retour en Chine, où en 2002, elle créa sa marque. Mushi que l’on pourrait traduire du Mandarin par : « le modèle de l’ouest ». Un premier défilé, suivit de l’ouverture d’un showroom six mois plus tard, ainsi que le soutient inconditionnel de la presse chinoise, permettent  à sa griffe de remporter un succès immédiat. Aujourd’hui à raison de deux shows par an, elle habille les business women, les stars des media et du cinéma chinoisL’actrice principale Yu Nan, du film chinois qui a reçu l’Ours d’Or de Berlin 2007, « Le Mariage de Tuya » du réalisateur Wang Quan An, portait une robe Mushi lors de la cérémonie de remise des prix. Consécration pour Caroline. « Je ne réalise pas, je n’ai pas eu le temps de voir ce que j’ai fait depuis cinq ans. Ici tout est possible et il faut le faire rapidement ». 

« J’ai vraiment une clientèle que j’aime, un public de fidèles. Mes clientes sont des personnages », à quatre-vingt pourcent des chinoises, de 35 ans, à forte personnalité, recherchant un style minimaliste, où chaque modèle est impeccablement produit en série limitée. Mushi privilégie la coupe et le service sur-mesure rapide : « Le but est de mettre la femme en valeur. Je fais du simple, tout est dans la coupe. J’adore marquer la taille. J’aime beaucoup les bustiers, les combinaisons pantalons, les pantalons amples, les petits détails, les cols Mao réinterprétés de façon plus moderne ». Il n’y a pas ou très peu de couleur chez Mushi, passionnément du noir et du blanc : « Les chinois m’ont appris à aimer le rouge ». Les matières sont naturelles, l’été plutôt lin et coton et l’hiver, cuir et lainage.

 

 

“La femme Mushi est une femme à plusieurs facettes”. Caroline s’imprègne du feeling du moment « Je rentre dans un film et j’élabore un sénario. Cette saison, c’est un rappel à l’enfance ». Mais il demeure une constante source d’inspiration : « Pékin, cette ville tellement bourrée de contrastes: c’est ma ville, elle est en moi. On ne pourra pas m’arracher d’ici. J’aime son dynamisme et son gigantisme ».

 

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“A Vain Life”, Solo Exhibition of Yangfan

Wow ! A bitter sweet candy! Do you wanna taste it? You knew it, didn’t you? Let me introduce you one of my first Chinese contemporary art crush. On the red brick wall of the 798, the Beijing hugh factory of Chinese contemporary art (next article) : a colourful poster of a young and lovely girl that strikes the pose in an acid pink background. Between Manga and trendy magazines, the style of the painting is very simple and childish. Yeah, a sweet pink candie, with a bit of lemon!Few days later : I meet Yangfan. Boy or girl? The painter doesn’t speak English and I don’t understand Mandarin: lost in translation? Fortunately, there is the blessed Jenny, the Linda Gallery assistant where Yangfan exhibits. Thanks Jen!

You got it baby ! Yangfan is a girl. And she paints girls. A light “Sex in the city” influence: in girl speech, girls talk about girls as well speaking to everybody. In the gallery, men look at the paintings carefully. The refined Yangfan shows the sensitive part of those girls. They are beautiful, look like innocent and hype, but they miss life. Her message: describing those fashion girls. They became one of today Chinese society symbols.

– Today, there is a lack of spirituality, we let spiritual things.

Her painting expresses a kind of depressive feeling, between soulful sadness, happiness and questions about life:

– Those girls have more freedom, but it happened very quickly and now they are single and alone.

Yangfan’s painted for ten years and she is also a university professor of painting:

– After school, I was wondering how to become an artist? And at this time, I had the idea to pay attention of the last generations of women and their future.

The way she works : daytime for painting and nights to look at people, their way to talk, move, their clothes.

– I imagine their work and I create short fashion stories. I’m also a fashion designer for fun.Besides the clothes of her depressive smooth characters came from her imagination.

The future: always painting. Cotton sculptures, of girls course. And for next year, unique dolls with Chinese traditional details for a gallery exhibition. Finally sometimes, trendy girls can live something else than “a vain solo life”. The proof, the successful Yangfan is not single and not alone.

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Une expo: “A Vain Life” de Yangfan

Oh ! Le joli bonbon super acidulé qui laisse un goût amer, ça vous dit? Dès le titre, vous l’aviez pressenti ? Quelle perspicacité ! Comment résumer un de mes coups de cœur, à l’opposé de la tendance massive dominante de l’art contemporain chinois. Sur un mur de brique rouge du 798, le grand sanctuaire d’art contemporain à Beijing (article à venir) : l’affiche colorée d’une « jeune et jolie » fille archi girly, sur fond rose uni acidulé. La pause inspirée des magazines hype, quant au rendu, déconcertant de simplicité, limite enfantin. Oui, un vrai bonbon à la rose, avec un zeste de lemon. Quelques jours plus tard, rencontre avec Yangfan. Petit jeu : homme ou femme ? L’artiste peintre ne parle pas un mot d’anglais et moi, pas un de mandarin : lost in translation ? Heureusement il y a Jenny, pleine de bonne volonté mais dont l’anglais est assez difficile à saisir, la jeune assistante de la Linda Gallery, où expose Yangfan qui nous servira d’interprète. Merci Jen ! 


Gagné, Yangfan est une fille. Qui peint des filles. Déclinaison régressive et ingénue de l’univers « Sex in the City » de filles qui parlent de filles en langage filles, en s’adressant à tous. Dans la galerie, beaucoup d’hommes regardent les toiles avec attention. Yangfan la délicate dépeint la fragilité de filles superficielles, extraites du réel et isolées dans les fonds unis de ses peintures. Elles sont belles, parfaitement accessoirisées, mais il leur manque l’essentiel, une vie. Son message. Clair. Montrer ces filles obsédées de mode, dont l’unique but est de s’acheter toujours plus de fringues, avides de matérialisme et du paraître. Ces filles qui sont devenues un des symboles de la société chinoise actuelle :

– Aujourd’hui, il y a un manque de spiritualité, on met de côté beaucoup de choses spirituelles.

Deux lectures possibles des tableaux de Yangfan. D’où émerge une certaine contradiction :

– Ces jeunes femmes ont gagné en liberté, mais comme ça s’est passé très rapidement, elles se retrouvent seules et célibataires.

Ses toiles, sous une forme délibérément simpliste, décrivent une forme de dépression, entre tristesse, bonheur et questionnement sur la vie. Yangfan peint depuis 10 ans et se partage entre sa carrière de peintre et de professeur de peinture à l’Université:

– Après avoir quitté l’école, je me demandais comment devenir une artiste ? Et c’est alors que j’ai eu l’idée de traiter des dernières générations de femmes et de les projeter dans le futur.

Sa manière de travailler : ses jours à peindre, ses nuits à regarder les gens, leurs expressions, vêtements.

– J’imagine leur travail, j’invente de petites « fashion stories ». Je suis aussi styliste par plaisir.

D’ailleurs les fringues de ces héroïnes lisses dépressives sortent tout droit de son imagination. Le futur. Toujours à peindre. Des sculptures en coton, de filles, toujours. Et l’an prochain, des poupées uniques avec des détails traditionnels chinois pour exposer dans une galerie. Finalement être une fille dans l’air du temps, ne rime pas forcément avec « a vain solo life » ! La preuve, Yangfan n’est ni seule ni célibataire.

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